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Mastodon, Discord, Diaspora, Parler, Gettr… une pléiade de nouvelles plateformes sociales attire de plus en plus d’utilisateurs depuis le 27 octobre dernier, date à laquelle Elon Musk a « libéré l’oiseau bleu », pour finalement annoncer le 20 décembre dernier se retirer de la plateforme, à condition de « trouver quelqu’un d’assez bête pour prendre le job ! » À l’image de Spill, « future plateforme conversationnelle » crée par deux anciens de Twitter, que proposent réellement ces nouveaux réseaux sociaux qui se revendiquent comme de solides alternatives au Twitter version Elon Musk ?
Mastodon : comme un faux-air de Twitter

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Il fait figure de principal concurrent au Twitter d’Elon Musk. Depuis les nombreuses annonces du milliardaire concernant l’avenir de « l’oiseau bleu », telles que l’arrivée d’une certification payante ou le licenciement de la moitié des effectifs dans le monde, de nombreux internautes ont décidé de quitter le navire Twitter au profit d’autres plateformes, comme Mastodon. Fondée en 2016 par Eugen Rochko, informaticien allemand d’origine russe, Mastodon connaît depuis quelques semaines une arrivée massive de nouveaux utilisateurs. Basé sur une technologie « open source » et une organisation décentralisée, le réseau social prône une liberté d’action et d’expression sans précédent. Souvent comparé à Twitter à travers ses fonctionnalités et son design, Mastodon propose à ses utilisateurs une toute autre expérience des plateformes sociales : subdivisé en centaines de réseaux sociaux indépendants nommés des instances, Mastodon permet à chaque utilisateur de disposer de son propre serveur et de sa propre communauté, les règles de l’instance étant régit par son administrateur.
Dépourvu de publicité et financé à l’aide de dons, Mastodon apparaît alors bien différent du support racheté par Elon Musk, à commencer par son audience. Même si le réseau créé par Eugen Rochko a su accueillir près de 500 000 nouveaux utilisateurs depuis le 27 octobre, comptabilisant aujourd’hui plus de 6 millions de comptes à travers le monde, l’influence de Twitter avec ses 230 millions d’utilisateurs quotidiens paraissent encore peser très lourd.
Cependant, les dernières annonces du patron de Tesla pour Twitter pourraient de nouveau faire trembler la toile : en souhaitant profondément changer son modèle économique et sa philosophie, Elon Musk s’attire inévitablement les foudres d’une partie des « twittos », ces derniers s’inquiétant des projets en termes de modération et de monétisation que le milliardaire souhaite mettre en œuvre pour la plateforme. Mastodon, qui observe depuis 6 ans une évolution croissante de ses utilisateurs, serait-il une réelle menace pour Twitter ? Joshua Topolsky, journaliste et fondateur du média américain The Verge, a tenté de le démontrer ces derniers jours lorsque qu’un de ses tweets évoquant Mastodon s’est vu annoté d’un message d’avertissement de la part de « l’oiseau bleu ». Dénonçant les inquiétudes de Twitter face au départ de nombreux abonnés, le journaliste n’a pas hésité à partager son mécontentement face à cette potentielle restriction : « Je vais certainement poster ici beaucoup moins souvent. Je ne peux pas vous dire à quel point j’apprécie Mastodon et je vous suggère fortement de rejoindre l’équipe là-bas ! » Ces « bandeaux d’avertissement », qui ne concernent pour le moment que les comptes basés aux États-Unis, n’ont pas fini d’éveiller les doutes sur l’avenir de Twitter…
Hive, Discord ou encore CounterSocial : des alternatives qui séduisent de plus en plus

Si plus d’un million de personnes auraient décidé de boycotter Twitter depuis son rachat en octobre dernier par Elon Musk, de nombreuses plateformes sociales plus ou moins récentes ont recueilli bon nombre de « twittos » orphelins. Outre Mastodon, le réseau Hive Social est monté en puissance ces dernières semaines en atteignant le million d’utilisateurs. À mi-chemin entre Twitter et Instagram, le réseau social fondé en 2019 par une étudiante-influenceuse mise sur l’idée d’un « safe space », doté d’une interface attrayante et de fonctionnalités inclusives, souhaitant s’éloigner le plus possible des algorithmes et des contenus malveillants des réseaux sociaux traditionnels. Accessible uniquement sur mobile, Hive Social a néanmoins reçu quelques critiques depuis son ascension : nombreux utilisateurs notent plusieurs bugs sur son application ainsi que des failles de sécurité. En réponse, la jeune plateforme a décidé d’opérer une maintenance de quelques jours, afin de palier aux dysfonctionnements et rendre le réseau social plus stable. Loin d’être aboutie, Hive Social doit encore faire ses preuves pour représenter une vraie alternative !
D’un autre genre et d’une autre dimension, Discord, service de messagerie instantanée apparu sur nos écrans en 2015, semble tirer son épingle du jeu. Destinée au départ aux adeptes des jeux vidéo, la plateforme aux 150 millions d’utilisateurs actifs a rencontré un succès mondial en permettant aux internautes d’une même communauté d’échanger des textes, images et vidéos en temps réel dans « un espace en ligne intimiste ». Plus qu’un simple outil de messagerie, l’application développée par l’américain Jason Citron a acquis au fil des années une sérieuse notoriété, notamment grâce à l’essor de « communautés hors-gaming », où la musique, l’éducation, la mode ou encore la science ont pris une place considérable sur le support. « Discord était la 5e application de messagerie la plus populaire en France au 3e trimestre 2021. La France est l’un de nos marchés les plus larges en Europe, ainsi que l’un des plus importants au monde », explique Jesse Wofford, directeur marketing produit chez Discord. Avec pour but de fédérer un maximum d’utilisateurs à l’intérieur des communautés selon leurs propres intérêts et passions, Discord espère séduire à l’avenir de nouveaux publics sur sa plateforme, et pourquoi pas concurrencer les géants de la Silicon Valley.

Twitter étant aujourd’hui l’un des réseaux sociaux les plus influents au monde, celui qui prétendra le remplacer devra faire preuve d’innovation. « Pas de trolls. Pas d’abus. Pas de publicités. Pas de désinformation. Pas d’opérations d’influence étrangère. » Telle est la promesse de CounterSocial, plateforme sociale crée 2017, que beaucoup d’observateurs perçoivent comme un semblable du réseau racheté par Elon Musk, voire bien plus : « CounterSocial isn’t the ‘new Twitter’: It’s something much better » (« CounterSocial n’est pas le « nouveau Twitter » : C’est quelque chose de beaucoup mieux »). « Punchline » aperçue en titre d’un article du média américain OnlySky en mai dernier, c’est dire si la ressemblance avec « l’oiseau bleu » a nourri les débats depuis que de nombreux internautes sont partis explorer d’autres horizons numériques. S’inspirant de la technologie « open-source » présente sur Mastodon et des fonctionnalités interactives de Twitter, CounterSocial dispose d’une politique stricte en matière de modération, notamment lorsqu’il s’agit de contenus politiques. La plateforme se finance uniquement grâce à son abonnement premium, donnant accès aux utilisateurs à un espace de réalité virtuelle personnalisé nommé Counter Realms, exploitable sur ordinateur, téléphone ou casque VR.
À défaut de pouvoir remplacer Twitter, les réseaux sociaux dits « alternatifs » jouent la carte de la complémentarité
Si certaines personnalités ont pris la décision irrémédiable de quitter Twitter, à l’instar de la scénariste Shonda Rhimes, de l’actrice Whoopi Goldberg ou encore de l’ancien PDG de Danone Emmanuel Faber, d’autres ont choisi de diversifier leur présence en ligne, en confiant leurs données à différents réseaux sociaux. Parce que Twitter demeure toujours prépondérant dans le paysage numérique, des milliers d’abonnés ont encore des doutes quant au modèle sur lequel repose les nouvelles applications sociales telles que Mastodon, Hive ou CounterSocial. Véritable tribune pour les personnalités publiques, plateforme de l’immédiateté, source d’actualité infinie… tant de caractéristiques qui empêchent nombreux « twittos » de s’en détourner définitivement. Mais les bouleversements insufflés par Elon Musk pour Twitter ajoutés à la rude concurrence que se livrent toutes les plateformes aujourd’hui poussent des milliers d’internautes à prendre leurs distances avec le réseau social. Au vu des dernières annonces d’Elon Musk, cette tendance n’est pas prête de s’estomper : le lancement de Twitter Blue, la suppression de plusieurs comptes de journalistes, l’interdiction de publier des liens vers certaines plateformes concurrentes… la liste des polémiques s’allonge de semaine en semaine et les critiques envers « l’oiseau bleu » s’accentuent. « Twitter était déjà toxique avant, et de moins en moins efficace pour la communication professionnelle. Les “évolutions” proposées par Elon Musk rendront Twitter infréquentable », analyse Arnaud Le Rouzic, chercheur au CNRS.

Cependant, les plateformes dites « alternatives » vers lesquelles ont tendance à migrer les internautes possèdent encore certaines lacunes qui questionnent leur légitimité face à Twitter, notamment au sujet de leur trop faible nombre d’abonnés, de leurs défaillances technologiques ou encore de la fiabilité des systèmes de protection des données. Avec la promesse de garantir une plus grande liberté d’expression, une partie de ces nouvelles applications ont fait l’objet de vives critiques concernant les dérives qu’elles laissent entrevoir. Parler, Gab, Truth Social, Rumble, BitChute… autant de plateformes qui ont récemment obtenu une certaine notoriété aux États-Unis au lendemain du rachat de Twitter. Même si toutes ces nouvelles plateformes ne sont pas disponibles en France, nombreux internautes ont fait part de leurs inquiétudes quant aux phénomènes de désinformation et de prolifération de contenus malveillants présents sur ces réseaux. Pour exemple, Truth Social, lancé il y a un peu moins d’un an par Donald Trump, a été à plusieurs reprises accusé de véhiculer de fausses informations et de ne pas modérer suffisamment les contenus sur son support.
La percée de tous ces nouvelles communautés numériques questionne plus largement le modèle sur lequel sont basés la majorité des réseaux sociaux dits « traditionnels ». Vitalik Buterin, cofondateur de la cryptomonnaie Ethereum, estime que « dans cinq ou dix ans, il y aura d’une façon ou d’une autre de meilleurs réseaux sociaux », l’informaticien faisant référence aux futures transformations de Twitter qui offriront de nouvelles opportunités aux réseaux sociaux dits « alternatifs ». Pour Elon Musk, la concurrence pourrait également venir de l’intérieur, en la personne de Jack Dorsey, cofondateur et ancien PDG de Twitter. À la tête d’un projet de réseau social baptisé Bluesky, plateforme décentralisée permettant notamment l’interopérabilité entre les services, l’entrepreneur américain souhaite profondément modifier notre pratique des réseaux sociaux. Une semaine avant le rachat de Twitter, Bluesky a enregistré en moins de 48 heures plus de 30 000 inscriptions sur sa liste d’attente, renforçant par-là les doutes sur l’avenir de plateforme acquise par Elon Musk. Dans la tourmente après l’échec de son propre sondage demandant à ses abonnés s’il devait quitter ou non la tête de Twitter, le patron de Tesla réussira-il à transformer « l’oiseau bleu » comme il l’entend ou s’inclinera-il face à la pression de ses concurrents ?