Source : Pixabay
Chiffre hebdo #44
Une étude intitulée « Love in Digital » a mis en exergue le ressenti de 17 000 internautes de 37 pays sur les rencontres amoureuses. Il s’avère qu’une personne sur 4 aimerait qu’une application lui dise quand elle est « vraiment amoureuse ».
La pression sociale sur les célibataires
L’arrivée des applications dédiées aux rencontres a permis à 26% des français de tenter leur chance pour trouver l’amour en ligne. Même si près d’une personne sur 2 (43%) n’a pas réussi à provoquer une rencontre avec ce mode de mise en relation, les utilisateurs de ces plateformes sont de plus en plus nombreux. Pour accroître leur communauté respective, les services publicitaires du secteur n’hésitent pas à appuyer clairement sur la situation « anormale » du célibat. Autre stratégie, pour le site HugAvenue, le fait de « pécho » est manifestement un critère essentiel de fierté personnelle, surtout masculine.
Avec leur communication ciblée, les applis cherchent à mettre en avant la facilité qui découle de leur solution. En fait, c’est facile ! Et si le spectateur n’est pas encore en couple, c’est qu’il n’est simplement pas encore utilisateur. Créer l’évidence reste une base publicitaire mais le fait d’aborder un sujet sensible, comme celui-ci, atteint directement l’affect des célibataires. Ces derniers deviennent factuellement des consommateurs, la rencontre devient le produit et le service de mise en relation est assuré par l’appli (qui se rémunère avec les données personnelles). La raison première de leur succès réside dans la pression sociale, exacerbée par leurs messages, qui pèse sur les célibataires. Trouver l’amour doit être une obligation. C’est sans doute ce qui explique les 1 500 applications de rencontres disponibles dans le monde !
L’industrialisation des rencontres amoureuses
Le succès des premières applications de rencontres a fortement incité les développeurs à proposer toujours plus de solutions pour « embellir » la vie des célibataires. Que ce soit par âge, géolocalisation, loisirs, religion, statut social… tous les critères sont bons pour convaincre. Peu de gens le savent mais il existe « Raya », une appli de rencontres pour les « stars », « Disons Demain« , qui n’est accessible qu’aux « jeunes de plus de 50 ans« , ou encore « Bumble« , qui permet uniquement aux utilisatrices d’engager les conversations. Les applis jouent sur la personnalisation des critères de recherche pour augmenter leurs taux d’inscription.
Aux Etats-Unis, les couples d’aujourd’hui se forment d’abord sur Internet ! Le tabou de la rencontre en ligne semble disparaître avec la démocratisation des applications et donc l’accroissement du nombre d’inscrits. En France, 67% des utilisateurs de sites de rencontres y passent plus de 4 heures par semaine.
Le filon parait inépuisable. Facebook, le pionnier des réseaux sociaux, avait même, dès son lancement, proposé à ses utilisateurs d’afficher leur situation amoureuse. Cela explique aussi son succès initial. Il se trouve que depuis le mois dernier, le géant américain a lancé « Facebook Dating« , une application spécifiquement dédiée aux rencontres. Même si son interface est bien distincte de celle de Facebook et que la connexion ne se fait pas via votre profil initial, l’appli proposera malgré tout en suggestion vos ami(e)s célibataires avec lesquel(le)s vous partagez les mêmes centres d’intérêt.

Source : Facebook Newsroom – @Nathan Sharp
L’abandon de l’humanité par l’humain lui-même, est-ce un manque de courage ?
Le fait qu’une personne sur 4 aimerait qu’une appli lui dise si celle-ci a des sentiments amoureux pose question sur l’autonomie de l’Homme face à la machine. Remettre un pouvoir décisionnaire au Big Data possède des avantages, notamment en termes de traitement des données. Cependant, ce sont pour des questions sentimentales et éthiques qu’il est plus délicat de passer le relais aux machines. Se laisser guider physiquement par les données d’un GPS, oui, mais trouver l’amour est-il aussi anodin que trouver son chemin ?
« La liberté est choix » disait Jean-Paul Sarthe. En effet, la tendance à ne pas choisir entraîne un renoncement de liberté. Mais le choix est aussi difficile à assumer car il fait porter les notions de renoncement et d’engagement à son auteur. Nous pouvons en conclure que la facilité revient à ne pas choisir, et c’est sans doute ce qui motive l’abandon sentimental des célibataires aux algorithmes. Les utilisateurs sont confrontés à trop de choix, et se sentent démunis face à tant de possibilités, jusqu’à préférer déléguer cette tâche.
La puissance de calcul des algorithmes tend à rassurer les utilisateurs. C’est en partie donc cela que certains d’entre eux sont prêts à se laisser guider en amour par cette objectivité algorithmique… alors que la nature même de l’amour reste la subjectivité.
Source : l’ADN