Source : image générée par l’intelligence artificielle sur Canva
Avec le développement des Intelligences Artificielles (IA), de nouveaux outils facilitent et simplifient le processus de créations que ce soit à travers le phénomène ChatGPT ou encore la création d’images avec Midjourney. Cependant, l’émergence de ces nouveaux outils digitaux et intelligents attire autant qu’elle questionne.
L’une des premières industries impactées par ce phénomène a été celle de la musique.
Dernièrement, le rappeur Jay-Z a fait parler de lui sans le vouloir. Et pour cause, une vidéo postée sur les réseaux sociaux par le duo franco-américain Alltta, présente une chanson dont la voix du chanteur rappeur Jay-Z est incrustée. Véritable prouesse technologique, l’intelligence artificielle a su recréer à la perfection la voix du chanteur dans ce morceau qui a suscité l’engouement des réseaux sociaux (près de 5 millions de vues sur Twitter). Bien que la vidéo publiée mentionne le hashtag #IA, rien dans le son ne laisse supposer que ce n’est pas le rappeur qui l’interprète. Que ce soient les critiques ou les « twittos », tous sont impressionnés par l’impossible différenciation entre la voix originale ode l’artiste et l’IA.
Autre exemple, le célèbre DJ David Guetta a créé le buzz en utilisant, lors de la composition d’un morceau, la voix du rappeur Eminem, qui a ainsi fait un carton plein sur les réseaux sociaux.

Source : Capture d’écran fil Twitter de David Guetta
L’association entre outils numériques et industrie musicale n’est pas récente. Ce qui l’est en revanche, c’est désormais la capacité de ces outils de composer et générer des morceaux de musique accessible à tous. Cette démocratisation de l’accès à l’IA développe la créativité des artistes et offre de nouvelles opportunités pour tous les fans de musique.
Et c’est bien là que réside tout le problème : cette démocratisation implique également la multiplication de faux messages induisant en erreur les lecteurs qui ne sont pas alertés en amont. Le détournement et l’utilisation de la voix des stars entraînent une série de problématiques tant pour les plateformes de streaming que pour les artistes eux-mêmes.
Test avec ChatGPT et Uberduck
Pour la rédaction de cet article, nous avons demandé à deux IA, ChatGPT et Uberduck, dans un premier temps d’écrire les paroles d’une chanson et d’utiliser des voix célèbres pour l’interpréter.
Après avoir visionné plusieurs vidéos détaillant les étapes, et avoir suivi l’expérience de David Guetta, notre test en la matière s’est révélé des plus enrichissants. Nous avons ainsi demandé à ChatGPT d’écrire les paroles d’une chanson et quelques secondes plus tard, l’IA nous a présenté plusieurs versets ainsi que des chorus.
Nous avons ensuite basculé sur Uberduck, une IA dotée d’un répertoire de plus de 5 000 voix célèbres. Cette application rassemble en un espace, des voix d’artistes (rappeurs, chanteurs vivants ou décédés …) mais également des voix d’acteurs, de dessins animés, mangas, jeux vidéo … Autant de voix marquantes et reconnaissables entre mille.
Après un rapide copier-coller des paroles écrites par ChatGPT, nous voici en compagnie d’une imitation, tout au plus correcte de Lady Gaga chantant notre chanson. Pour le second test, toujours avec les mêmes paroles, nous choisissons le rappeur de Drake comme interprète. Et là , c’est incroyable : la ressemblance vocale est bluffante … Le rythme, la respiration ; tout y est !
Après quelques essais avec les voix de Mario, C3PO ou encore celle de Arthas dans Warcraft, on peut dire que l’application est une véritable mine d’or de voix, à qui l’on peut faire dire tout et n’importe quoi !
L’industrie musicale fait face à de nouveaux enjeux
Comme démontré à travers notre test, les IA ont désormais la capacité d’écrire entièrement les paroles d’une chanson ou encore de composer une musique. Cependant, étant donné que les IA s’appuient sur des données préexistantes, il existe un fort risque que les musiques et paroles générées se ressemblent tant au niveau des textes que des rythmes.
Le recours à ces IA, et notamment les outils de clonage de voix de célébrités peut prêter à confusion, voire être utilisé à des fins malveillantes ; et là encore, comment déterminer s’il s’agit de propos prononcés par l’artiste ou l’IA ?
Ce n’est pas sans poser de réelles problématiques juridiques. La question de la propriété intellectuelles par exemple. Ainsi, qui, entre l’IA et les développeurs de l’IA, détient les droits d’auteurs lorsqu’une IA crée une musique ? Dans le système de rémunération français, la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique) ne reconnait pas la propriété intellectuelle d’une personne morale, puisque non reconnue comme auteur.
De plus, dans le processus de création d’une musique par exemple, l’IA s’appuie et se sert de données préexistantes qui sont, elles, soumises à des droits d’auteurs. Dans ce cas, comment prouver que l’IA s’est bel et bien appuyée sur tel œuvre dans le processus de création ? Et comment partager les droits d’auteur et le système de rémunération qui en découle ?
Dans une interview à France Musique, l’Avocat au barreau de Paris, Marc-Olivier Deblanc, spécialiste en propriété intellectuelle appliquée à l’industrie musicale explique à propos des IA dans la musique que « Ça veut dire que ce n’est plus un simple outil mais que la machine se substitue au créateur, résume Marc-Olivier Deblanc. Et c’est là qu’il y a un différentiel fondamental puisque si c’est un outil, la personne qui a utilisé cet outil peut déposer l’Å“uvre – notamment à la Sacem – et en devenir l’auteur. Mais là , la machine peut créer par un algorithme et se substituer au créateur. Se pose donc la question de la place de l’auteur : est-ce que la machine peut bénéficier, au sens de la propriété intellectuelle, de la qualité d’auteur ? L’Å“uvre est protégée seulement si elle est originale, c’est à dire si elle est marquée de l’empreinte d’un créateur, d’une personne physique et non pas d’une machine.«Â
Beaucoup de questions qui restent sans réponses ou sont incomplètes.
Une avancée significative dans le processus de création musicale
Véritable soutien à la création, les IA peuvent désormais accompagner les artistes dans l’écriture, la composition d’une musique. En effet, les artistes peuvent être assistés ou s’appuyer sur une IA capable de proposer et d’effectuer des améliorations quant à la qualité du son produit (éliminer des sons, égalisateurs…). Ce processus peut représenter un gain de temps et un gage de qualité efficace pour toute l’industrie.
Grand atout pour les artistes, ces IA s’illustrent dans la facilité de leur utilisation et ouvrent le champ des possibles pour les artistes et une créativité sans limite.
Également, présente dans la majorité des plateformes de streaming musicaux (avec en tête de liste Spotify), l’IA propose aux utilisateurs des musiques personnalisées grâce à un algorithme capable de prédire les goûts musicaux en fonction des préférences.
Les IA ont donc le potentiel de transformer l’industrie musicale de manière significative, ou du moins de la faire évoluer d’un grand bond. Cependant, il est important de tenir compte des points de vigilance de l’IA de façon à préserver autant la créativité que l’authenticité, tout en tirant parti des avantages que l’IA peut offrir et en respectant la juste répartition des revenus générés par ces créations.