Pouce levé pour, Tendances

Les politiques revoient leur manière de communiquer en investissant les réseaux sociaux

Source : StockLib

A l’instar du bouton « J’aime Â» et après avoir accueilli comme il se doit le bouton « J’aime pas Â» de Facebook, nous avons décidé de lever le pouce – ou de le baisser – en analysant une actualité du monde numérique.

Les moyens de communiquer changent et les politiques l’ont bien compris ! Nous vivons dans une ère où tout évolue très vite. Se tenir informer, comprendre les nouveaux usages et outils pour communiquer afin de s’en servir à bon escient est alors essentiel. Ces nouveaux outils de communication peuvent s’avérer très précieux pour toucher davantage de personnes, de cibles et passer un message différent. 

Comment les réseaux sociaux sont devenus centraux dans la communication politique ?

Cette appétence des politiques pour ces plateformes est un moyen, bien évidemment, d’atteindre une nouvelle audience mais aussi de nouveaux électeurs. Les réseaux sociaux permettent d’atteindre les plus jeunes, moins friands des médias traditionnels mais détrompez-vous, ce ne sont pas les seuls. De nombreuses personnes sont devenues addictes à ces nouvelles plateformes et ont pris l’habitude de s’informer directement sur celles-ci. Ainsi, la présence de nos dirigeants politiques y est indispensable.

De plus, l’épidémie de Covid nous a fait revoir nos manières de communiquer et de s’informer. Les réseaux sociaux sont montés en flèche pendant cette période et leur audience continue de grimper. Les personnalités politiques ont bien compris qu’être présent sur ces plateformes était essentiel pour se faire entendre. Les enjeux de la communication sont devenus encore plus cruciaux par la crise sanitaire.

Tout a été bouleversé, notamment de nombreux aspects de la communication politique habituelle. Cela s’est traduit par l’annulation de meetings, de bains de foules et de contacts directs avec la population. Il a donc fallu trouver des alternatives. Les personnalités politiques se sont alors tournées vers l’univers numérique et tâchent de coller aux tendances des applications et des réseaux sociaux. En effet, investir ces plateformes est une chose mais il faut également s’adapter aux codes et règles de celles-ci, à défaut, la communication ne sera pas réellement efficace et le message, biaisé. Il est donc important d’utiliser ces nouveaux moyens de communication d’une part mais d’autre part, il est essentiel de les comprendre et de savoir les utiliser.

Source : StockLib

Mais attention, ces outils de communication ne cessent d’évoluer

Parler aux jeunes : l’enjeu de communication est lancinant pour l’exécutif depuis le début du quinquennat, une partie de cette population s’étant détournée des médias traditionnels. « Les canaux habituels ne permettent pas de toucher tous les jeunes. Si on veut échanger avec eux, il faut se rendre sur les médias où ils sont, notamment les réseaux sociaux », relève le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal qui a tout compris de la génération Z. Il faut réussir à s’adapter à nos nouvelles générations, à leurs codes et à leur façon de voir les choses si on veut évoluer.

Nous avons vu un changement assez radical s’opérant entre les médias traditionnels vers des médias destinés plus aux jeunes comme Konbini ou Brut. En effet, 100% des moins de 25 ans sont exposés à ces types de médias, selon le producteur de télévision Renaud Le Van Kim, fondateur de la plateforme. Emmanuel Macron l’a bien compris. C’est pourquoi, en décembre dernier, nous pouvions visionner une interview du Président de la République sur la plateforme Brut. L’entretien a été vu par plus de 50% des 15/34 ans , comptant 7 millions de jeunes et 6 millions de téléspectateurs grâce à sa retransmission. Plusieurs membres du gouvernement ont donné des interviews à Brut ces derniers mois, dont le Ministre de la Santé, Olivier Véran ou encore le Ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer.

Cependant, nous sommes dans une société de surconsommation, ce qui veut dire que de nouvelles technologies évoluent et apparaissent quotidiennement. Le monde des réseaux sociaux est impitoyable à tout niveau. D’abord parce qu’un nouveau concept chasse l’autre ou plutôt le ringardise en un laps de temps très réduit. Ainsi, il y a une quinzaine d’années, avoir un compte Facebook était le « must-have », maintenant la plateforme est limite devenue ringarde pour les jeunes. Twitter ? Assez grand public, lapidaire et immédiat pour faire valoir son opinion, ses idées et ses coups de gueule.

La plateforme Youtube a eu, elle aussi, son heure de gloire, Jean-Luc Mélenchon comptabilise à lui seul 500 000 followers sur son compte, qui est un nombre conséquent. Instagram, Snapchat, TikTok ont ensuite servi de refuges aux personnalités en quête d’un nouveau canal de communication, davantage axés sur les plus jeunes mais rassemblant des millions de personnes. C’est pourquoi, en juillet dernier Emmanuel Macron ouvre son compte Tiktok en publiant une vidéo félicitant les bacheliers, vidéo comptabilisant 13 millions de vues. Leurs étoiles pâlissent déjà au profit de Twitch et Clubhouse. La guerre des réseaux sociaux n’en finira jamais. Il faut alors toujours être à la page des nouvelles tendances !

Le phénomène Twitch

Source : Pixabay

Une petite présentation rapide de Twitch : Plateforme de diffusion de vidéos en direct rassemblant des millions de personnes. Elle attire en moyenne 3 millions de spectateurs simultanément. Historiquement, elle était utilisée pour diffuser des parties de jeux-vidéos. Les spectateurs peuvent regarder la partie en cours de route, la personne qui joue, et interagir en direct avec le diffuseur grâce à un chat intégré. Mais l’offre s’est diversifiée, certaines chaînes allant jusqu’à diffuser des débats qui ressemblent à des émissions de télévision ou à des commentaires sur l’actualité, y compris politiques. La plateforme est passée d’une simple niche pour les amateurs de gaming, à un nouveau canal de communication et a vu son audience augmenter de 83% en une année. C’est pourquoi, la plateforme de streaming vidéo, détenue par Amazon depuis 2014, est de plus en plus prisée par les médias et les politiques. Twitch est un bon moyen de rassembler et de créer l’instantanéité.

Samuel Étienne, journaliste de France Télévision, a créé sa propre chaîne Twitch, rassemblant 330 000 personnes. Après Jean-Luc Mélenchon ou encore Gabriel Attal, c’est François Hollande qui s’est prêté au jeu lundi 8 mars avec 84 000 personnes en direct et 600 000 avec le replay. Deux heures durant, l’ancien Président de la République a répondu aux questions d’internautes sur le chat, lors d’un entretien sur sa chaîne, dans son salon. Un côté intimiste qui plaît beaucoup aux auditeurs qui se sentent plus proches et plus à l’aise de poser des questions à l’ancien Président de la République. Dimanche dernier, c’est Jean Castex qui a pris la parole au côté du journaliste phare.

Proches du divertissement, les usages de Twitch permettent de se distinguer des chaînes d’information plus austères. Comme en témoigne le lancement par Gabriel Attal, de sa propre émission mensuelle à l’Élysée baptisée « #Sansfiltre ». Une fois par mois, le porte-parole du gouvernement va débriefer le Conseil des ministres en direct sur Twitch en compagnie de jeunes, étudiants ou influenceurs, mais sans journaliste. Il promet de répondre à toutes les questions que ce soit sur la crise ou autres problématiques diverses comme la protection de l’environnement ou la lutte contre les discriminations.

Toucher la jeunesse grâce aux influenceurs

Source : chaîne Twitch de Gabriel Attal

Malgré tout, cette initiative de Gabriel Attal a suscité de nombreux débats. Le choix d’avoir convié des influenceurs déscolarisés, qui affichent sur les réseaux sociaux un train de vie confortable, ne passe pas. C’est pourquoi, ce live a été massivement critiqué par les étudiants sur les réseaux sociaux, autour du hashtag #étudiantspasinfluenceurs. La stratégie de communication n’a pas eu l’effet escompté. Le gouvernement a quand même visé juste, le format adopté a plutôt bien été reçu par les internautes mais c’est la sélection des invités qui a été largement critiquée sur les réseaux sociaux, ceux-ci étant jugés « déconnectés » des problèmes des jeunes. En effet, les influenceurs sont très efficaces pour rassembler du monde, notamment les jeunes, sensibiliser et toucher le maximum de personnes.

Ça, l’exécutif l’a bien compris. Cependant, il faut faire attention à la manière et au contexte choisi pour les intégrer dans des débats politiques au risque de créer des étincelles. C’est là où il faut se poser la question de la légitimité des influenceurs. Finalement, le live a beaucoup été critiqué et n’a pas donné une très bonne image de la communication politique adoptée par le gouvernement en sélectionnant des influenceurs censés devenir « les portes paroles » des étudiants au vu de l’âge de leurs communautés. Critiqué mais cliqué ! Le débat a tellement fait parler de lui que l’émission a davantage fonctionné, donc vue et intéressée des millions de jeunes.

Dans l’ère des réseaux sociaux et de la génération Z, avide de nouveautés et de divertissements, les influenceurs sont des étoiles montantes, devenant pour certains de réelles stars. C’est pourquoi, avec ces influenceurs, qu’ils soient blogueurs, youtubeurs, streamers ou chroniqueurs, il y a une réelle possibilité de sensibilisation, qu’elle soit gouvernementale ou de leur propre initiative. L’exécutif se sert alors de ce marketing d’influence pour toucher de nouvelles cibles afin de transmettre des informations au plus grand nombre. Gabriel Attal l’a sans doute très bien compris, avec sa chaîne Twitch mais aussi les lives qu’il a pu faire directement via les comptes Instagram de ces stars des réseaux sociaux rassemblant des millions de followers chacun.

Les influenceurs, qui n’engageaient jamais leur image sans rémunération, acceptent désormais de participer gratuitement à la stratégie de communication gouvernementale pour sensibiliser leur public à l’importance du respect des consignes sanitaires, preuve d’un sens des responsabilités compris et approuvé par ces influenceurs. Ces lives ont pour but, encore une fois, d’informer, de sensibiliser les plus jeunes qui ne s’informent pas réellement avec d’autres moyens que ces plateformes. L’atout principal de ces lives et de ces plateformes en général sont la proximité que cela établit entre les protagonistes et l’auditoire, pouvant directement poser des questions à des personnalités politiques importantes et reconnues, pensées inaccessibles par beaucoup.

Le gouvernement ne s’arrête pas là ! Il y a quelques semaines c’est Emmanuel Macron directement, qui a envoyé un message vidéo aux youtubeurs phares McFly et Carlito rassemblant 6.5 millions d’abonnés exclusivement sur la plateforme de vidéos en ligne YouTube. Le Président de la République a lancé un défi à ces deux créateurs de contenus afin de promouvoir une vidéo sur les gestes barrières. Si celle-ci dépasse les 10 millions de vues, ils pourront tourner une vidéo avec Emmanuel Macron en personne à l’Elysée. En 72 heures les 10 millions de vues sur leur clip vidéo ont largement été dépassés.

Maintenant, on attend plus que le Président sur la chaîne des deux youtubeurs préférés des adolescents. Ce n’est pas une stratégie sans risque, est-ce suffisant d’appâter les jeunes en s’adressant à leurs youtubeurs préférés pour faire, clairement, de la communication politique ? Reste à voir la fameuse vidéo et ses retombées !

Pourquoi le gouvernement décide de s’intéresser aux nouvelles manières de communiquer ?

Ce n’est pas vraiment nouveau, certaines personnalités politiques s’expriment sur ces plateformes depuis un moment déjà. Cependant, l’exécutif a clairement donné un coup d’accélérateur dans l’offensive numérique du gouvernement au pouvoir. Par ailleurs, les restrictions sanitaires poussent le Président à intensifier son usage des réseaux sociaux, contraint de changer ses habitudes et de se renouveler. De plus en plus de personnes comprennent l’importance des réseaux sociaux et des nouveaux médias numériques dans la communication, qu’elle soit politique ou non.

Les personnalités politiques ont compris que ces moyens, accessibles par tous et tout le temps, étaient devenus de réelles plateformes d’échanges et de transmission, vues certes, par les plus jeunes, mais par des millions de personnes à travers la France et le monde entier. Ce canal d’échanges n’est absolument pas à négliger si l’on veut toucher et rassembler un maximum de personnes, de tout âge. C’est la réelle force de ces réseaux sociaux !

Pourquoi critiquer cet investissement dans le numérique, jugeant ces plateformes moins crédibles ou moins adaptées quand on connait l’engouement autour d’internet et le pouvoir qu’il peut avoir sur une société tout entière.

Bien-sûr, au vu des présidentielles qui arrivent l’année prochaine c’est le moment ou jamais pour le gouvernement de se faire aimer des plus jeunes pour espérer obtenir quelques voix de plus. Ces réseaux sociaux auront clairement un rôle majeur dans les présidentielles de 2022, comme on a pu le voir aux Etats-Unis. Investir les réseaux sociaux de cette manière est clairement une manière de se rapprocher des jeunes. C’est une génération souvent délaissée par les médias traditionnels et par l’exécutif car ils n’utilisent pas du tout les mêmes modes et outils de communication. Davantage avec la crise sanitaire, la jeunesse, les étudiants se sentent laisser pour compte, une « génération sacrifiée » dont il faut s’occuper et se soucier.

Attention ! Cette offensive numérique ne veut pas dire pour autant que le gouvernement laisse tomber les médias traditionnels qui sont un précieux canal de diffusion. Ce nouveau mode de communication permet de renforcer le discours officiel. Là où le gouvernement peine à atteindre les jeunes, ces plateformes rendent la communication de l’Etat plus accessible.

Source : Pixabay

Toutefois, quels sont les risques et les limites de ces pratiques ?

Comme évoqué précédemment, la présence sur le numérique est essentiel. Cependant, il ne faut pas prendre un contre-pied radical en ne communiquant plus que sur ces plateformes. Il faut trouver un juste milieu alliant les médias traditionnels qui jouent clairement un rôle dans la politique et dans la transmission des informations (mais qui suscitent de nombreux débats) à ces nouveaux modes de communication plus axés sur la proximité, la transparence et les jeunes.

Nous pouvons nous poser la question sur la légitimité des influenceurs, car ces créateurs de contenus en s’associant au gouvernement, en devenant des « porte-paroles Â» ont une responsabilité qu’ils ne doivent pas prendre à la légère.

Dans chaque cas, le défi est similaire : adapter le contenu diffusé au format adapté à la plateforme. En effet, il ne faut pas oublier que ces plateformes ont des codes, des règles en fonction de leurs utilisations et de leurs utilisateurs ! Il vaut mieux les respecter au risque de tomber dans le ridicule. Ou alors carrément se faire bannir des réseaux sociaux comme Donald Trump, ce qui soulève encore un débat beaucoup plus complexe sur la régulation de ces géants du net ou sur la liberté d’expression.

Cependant, une question fait débat. Est-ce que le gouvernement ne se décrédibilise pas en « s’amusant » sur les réseaux sociaux, en lançant des défis ou encore en invitant des influenceurs qui font des TikTok à l’Elysée ? Le Président est le bienvenu sur ces plateformes mais attention de ne pas se décrédibiliser et désacraliser la fonction présidentielle. 

Mais est-ce que l’objectif est réellement de changer la vision des jeunes envers les politiques et permettre de rétablir le dialogue ou juste un simple coup de communication ?